Génération Hamlet Project

Ouverture du chantier à l'Automne 2018

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Résumé

Le destin d'Hamlet dépasse largement la pièce de Shakespeare pour, à l'instar d'autres figures mythiques comme celles d'Œdipe ou de Don Juan, apparaître comme l'énigme fondatrice, le conflit originel qui permet de mettre à jour non seulement la représentation d'un état du monde mais aussi celle d'un homme qui cherche où est sa place et quel est son rôle dans ce monde. Les nombreuses implications et connotations politiques, historiques, psychanalytiques d'Hamlet sont connues. Il ne s'agit pas ici de proposer une énième interprétation ou lecture du personnage et de la pièce même si l'énigme de l'un et de l'autre est loin d'avoir été entièrement résolue mais plutôt d'ouvrir des pistes de recherche et de réflexion tant intellectuelles que pratiques - en convoquant plusieurs médias comme plusieurs champs artistiques, scientifiques, politiques, anthropologiques - et de voir comment les enjeux intimes et collectifs, conscients et inconscients, qui traversent et se déchaînent dans le corps et la tête du jeune prince du Danemark, résonnent aujourd'hui parmi nos semblables dans notre monde contemporain.

Génération Hamlet Project s'imagine comme un chantier de recherche et de création, décliné en différentes étapes, une plate forme ouverte de
croisements et d'expérimentations multiples à partir d'un certain nombre de propositions, d'axes de travail et de déclarations d'intention non exhaustives :

Hamlet et la géopolitique ou la mise en perspective et la représentation d'un état des lieux et d'un état du monde. Singulièrement de notre vieille Europe. Comment devant ce corps pourrissant de Danemark, parvenu au pouvoir par la guerre, l'intrigue et le crime et perpétuant en cela une longue tradition ancestrale et familiale, appréhender la « modernité » et la venue de « l'homme nouveau » figuré par Fortinbras à la fin de la pièce ? S'agit-il d'une rupture radicale de l'Histoire ou d'une continuité déguisée avec un autre langage, d'autres « valeurs », d'autres armes et d'autres modes d'action ? L'analogie avec notre
situation (politique, économique, sociologique...) contemporaine n'est-elle pas troublante... ?

Hamlet et la quête de sens ou le syndrome de la génération sacrifiée. C'est là le sens de l'intitulé même du projet à savoir qu'aujourd'hui, dans un temps de dés-enchantement de la vie et du monde, Hamlet lui-même nous apparaît, bien plus que comme le héros sombre et mélancolique sous les dehors duquel il est souvent présenté, comme la parfaite incarnation de cette génération sacrifiée des fils et bientôt petit fils de l'après 68, l'après Woodstock et Summer of love, l'après Sida, l'après chute du mur de Berlin, l'après Guerre du Golfe, l'après destruction des Twin Towers de New York... bref ces enfants de l'après (dont nous sommes), lestés du poids d'un passé flamboyant et mortifère et sans guère de visions de ce qui vient. Et qui malgré tout doivent tenter d'exister, de tracer leur voie propre et de s'inventer un avenir dans ce qui ressemble de plus en plus à un champ de ruines.

Hamlet et son double ou l'histoire d'un corps et d'un esprit sous influences, lieux de conflit et d'exacerbation de pulsions contradictoires que l'on pourrait synthétiser comme la lutte incessante entre le Spectre et le Voyant. Le Spectre, c'est le fantôme du vieil Hamlet bien sûr et tout ce qu'il représente : cette emprise de l'hérédité, de la culpabilité, de la vengeance tardive, impossible et inutile mais qui devient la seule mission à accomplir, la dépossession de soi, de ses ambitions et de ses désirs pour se conformer à la loi du Père, à l'Autorité suprême qui, depuis l'au-delà, continue de te dicter ta conduite et ton destin. Tout cela qui hante Hamlet et à quoi il ne peut échapper. Son inconscient. La ronde sans fin des fantasmes de meurtre, d'inceste, de viol, de suicide qui assaillent son esprit en proie au doute et au besoin d'agir. Mais l'autre versant de ce couple, l'autre terme de cette dialectique ambulante qu'est Hamlet tout au long de la pièce, c'est le Voyant. Le Voyant, c'est la conscience, la lucidité, le refus du semblant et la volonté de voir le visage derrière le masque, de ne pas se laisser jouer par la comédie humaine des apparences et des sentiments, c'est l'intelligence douloureuse de celui qui n'est pas dupe. La mise en mots et en images de cette dichotomie, de ce dédoublement intime à l'œuvre au cœur du psychisme humain (qui est aussi une métaphore du théâtre lui-même), c'est peut être cela qui, au-delà du contexte, fait résolument d'Hamlet notre contemporain et lui donne une résonance universelle.

Voici, parmi d'autres, trois dimensions aussi bien de forme que de sens que nous entendons explorer et mettre en actes, en questions et en perspectives dans Génération Hamlet project. L'intérêt étant naturellement de considérer ces trois dimensions non pas séparément mais ensemble, dans une pluralité d'approches et de regards, et de chercher quelle peut être la nature du lien qui les enchevêtre les unes aux autres.C'est pourquoi, au-delà d'un simple travail de dramaturgie, de mise en scène et d'interprétation théâtrale, nous souhaitons associer à Génération Hamlet project des chercheurs et praticiens de différentes disciplines (anthropologues, historiens, linguistes, astrophysiciens, psychanalystes... la liste n'est pas close) et les intégrer au processus de recherche et de création. De même, les réalisations et productions issus de ces travaux ont vocation à dépasser le cadre de l'espace scénique et à s'exprimer sur différents supports et médias (écrits, vidéos, œuvres plastiques...).

Génération Hamlet project n'en est qu'à ses débuts. Il peut et doit encore évoluer. Pour autant, les grandes lignes sont là. Ce projet est conçu pour se déployer dans le temps et dans l'espace, il se doit d'être en phase avec les enjeux et les questionnements de notre époque et il ambitionne de fusionner et/ou de croiser autour d'un objet unique mais aux facettes multiples, Hamlet, les approches artistiques, intellectuelles et scientifiques, contenues dans et au-delà de l'œuvre.

Marc Moreigne

Production

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